Le nombre de « deepfakes » pornographiques explose du fait des progrès de l’intelligence artificielle


Taylor Klein s’apprêtait à achever ses études d’ingénieure dans le Connecticut, aux Etats-Unis, lorsqu’elle a appris que de fausses vidéos pornographiques d’elle circulaient sur Internet. « Ces vidéos avaient des milliers de vues. En allant me coucher ce soir-là, j’ai craqué. Je me sentais très sale. (…) J’avais l’impression que quelqu’un essayait de me punir », témoigne la jeune femme dans le film documentaire Another Body, sorti à la fin du mois d’octobre aux Etats-Unis.

Les réalisateurs Sophie Compton et Reuben Hamlyn y suivent pendant plus d’une heure le combat et la quête de vérité de cette jeune Américaine, dont la vie a été bouleversée par des deepfakes pornographiques. Aussi appelées « hypertrucages » en français, ces photos et vidéos sont modifiées ou générées à l’aide d’outils d’intelligence artificielle (IA) pour mettre en scène des femmes dans des situations érotiques, sans leur consentement.

Comme en atteste le cas de Taylor Klein, qui témoigne sous une fausse identité, cette cyberviolence sexiste en pleine expansion ne cible pas seulement des actrices de cinéma, des chanteuses ou des femmes politiques. Ont dernièrement été rapportés des faits concernant des adolescentes sans notoriété, dans une petite ville du sud de l’Espagne ou dans des lycées américains. Car avec les bonds réalisés par l’IA ces dernières années, ces montages toujours plus réalistes ont vu le profil de leurs victimes évoluer. Et leur nombre exploser.

Sur un forum, un utilisateur vantant les mérites des outils de « deepfakes » qu’il a développés.

Des centaines d’outils, des milliards de vues

L’analyste américaine Genevieve Oh s’attache depuis plusieurs années à quantifier et cartographier l’existence en ligne de ces deepfakes pornographiques. Dans ses derniers travaux, que Le Monde a pu consulter, la statisticienne a recensé un total de 276 149 vidéos de ce genre accessibles sur le Web traditionnel au troisième trimestre de 2023, répertoriées pour la plupart sur une poignée de sites pornographiques consacrés à ces images.

MrDeepFakes, dont Le Monde relatait en 2022 les liens troubles avec l’économie des médias synthétiques, apparaît toujours comme le portail le plus populaire avec 1,3 milliard de vues cumulées. Globalement, l’activité sur les dix sites les plus consultés ne cesse d’augmenter : on y retrouve cette année deux fois plus de vidéos que l’an passé et celles-ci atteignent plus de 4,2 milliards de vues, soit quatre fois l’audience atteinte en 2019.

Des deepfakes sexuels sont également hébergés sur des plates-formes pornographiques traditionnelles. Bien que la plupart d’entre elles, dont celles du groupe MindGeek (Pornhub, RedTube et YouPorn), aient banni ces contenus et adressent depuis à ceux de leurs utilisateurs qui en cherchent un message de prévention sur leur potentielle illégalité, les sites français XVideos et XNXX, eux, continuent d’en diffuser, a pu constater Le Monde. Contactés, ces derniers n’ont pas répondu à nos sollicitations.

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